dimanche 28 février 2016







Et voici un an que ma mère
a quitté  ce monde.
Un an que je lui dédie ces bribes de poèmes
et ces bribes de peintures.
Célèbres ou inconnus peu importe.
 Merci à tous ceux qui transfigurent 
la souffrance en art 
au lieu de faire souffrir.   
Ma mère disait que seul l'art 
fait pardonner à l'homme d'exister.
Je ne pense pas autrement.






étude                                                              Irvin Rodriguez






C'était un temps de nuit et de nécessité
de saisons mal famées et de robes fanées
chacun savait le nom des chaînes
nul ne livrait son nom
et la mort des semaines lentement s'égrenait
dans les maisons des fous





Tristan Cabral 
"1984" 













vendredi 26 février 2016







Ô ma jeunesse
 
 
 
 
Portrait d'Emile Zola                                   Edouard Manet
 
 
 
 
 
Ô ma jeunesse abandonnée
comme une guirlande fanée
voici que s'en vient la saison
et des dédains et du soupçon
 
Le paysage est fait de toiles
il coule un faux fleuve de sang
et sous l'arbre fleuri d'étoiles
un clown est l'unique passant
 
 
 
Guillaume Apollinaire
"Alcools"
(extrait)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

jeudi 25 février 2016








Pour en finir



 
"automne"                                                                       shg





Je suis né d'une erreur du vent et de la mer
c'est pourquoi j'ai vécu au rythme des marées
poisson-lune égaré sur un chemin de terre
je n'ai fait que passer sans pouvoir respirer.






Tristan Cabral
"Le passeur de silence"
(extrait)








mercredi 24 février 2016







Au pas des arbres


 
Léo-Vinh   Beauvois




Suis-je seul à entendre
les cris stridents de la lumière
qui me réveillent le matin
pour me faire voir
les mâchoires d'un monde affamé
s'ouvrir d'un horizon à l'autre.




Frank Holden
"Au pas des arbres"
(extrait)







mardi 23 février 2016





 
Une autre explication du mystère
 
 
 
 
Van Dogen
 
 
 
 
Je ne peux plus rien voir,
au fond du ciel,
qu'un énorme chien blanc 
qui mord la lune.
Et le chien n'est pas un nuage.
S'il n'appartient à personne, il s'en ira.
Et nous pourrons revoir le jour.
Mais si le chien appartient à cet homme
qui s'accoude sur la montagne
pour nous regarder et se moquer de nous?
Les bruits mystérieux s'arrêtent 
et la nuit devient dure.
Nous sommes sur le point 
de faire un tour de plus.
 
 
 
Pierre Reverdy
"Main d'œuvre"
(extrait)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

lundi 22 février 2016






Et quand se fut 






Aykut  Aydogdu   






Et quand se fut parmi les sables
essorée la substance pâle du jour,
de beaux fragments d'histoires en dérive,
sur des pales d'hélices,
dans le ciel plein d'erreur
et d'errantes prémices,
se mirent à virer pour le délice du scoliaste.
Et qui donc était là
qui s'en fut sur son aile?
Et qui donc cette nuit, a 
sur ma lèvre d'étranger
pris encore malgré moi
l'usage de ce chant?



Saint John Perse
"exil"
(extrait)












samedi 20 février 2016




 
 
Un grand poème
 
 
 
 
Marc Dalessio
 
 
 
 

A nulle rives dédiée, à nulles pages confiée
la pure amorce de ce chant...
D'autres saisissent dans les temples
la corne peinte des autels :
Ma gloire est sur les sables!
Et ce n'est pas errer, ô Pérégrin,
que de convoiter l'aire la plus nue
pour assembler aux syrtes de l'exil
un grand poème né de rien,
un grand poème fait de rien...
 
Sifflez, ô frondes par le monde,
chantez, ô conques sur les eaux!
J'ai fondé sur l'abîme 
et l'embrun et la fumée des sables.
 
 
 
Saint John Perse
"exil"
(extrait)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

vendredi 19 février 2016






Le cœur géographe






Carolus Duran






Dans les saisons en marche
nous mûrissons des légendes
nous enfonçant dans les sentiers
qui ouvrent la forêt
nous devenons mémoire d'arbres
et nos rêves comme des oiseaux
battent des ailes au-dessus des fougères.







Joseph Paul Schneider
"Le cœur géographe"
(extrait)













 

jeudi 18 février 2016



Nocturne






Sandra Flood







La tête à ma fenêtre
je vois en me penchant
comme veut la trancher
le couperet du vent.
A cette guillotine
invisible j'ai mis
les têtes sans regards
de tous mes vieux désirs.
Une odeur de citron
emplit l'instant immense
cependant que se fait
fleur de gaze le vent.





Frederico Garcia Lorca
"Nocturne sous la fenêtre"
(extrait)















 

mardi 16 février 2016





Dédicace
 
 
 
Auguste Renoir
 
 
 
 
Il est des parcelles de lieux 
où l'âme subitement exulte.
Alentour ce n'est qu'espace indifférent.
Du sol glacé elle s'élève,
déploie tel un chant sa fourrure,
pour protéger ce qui la bouleverse,
l'ôter de la vue du froid.
 
 
 
René Char
"Commune présence"
(extrait)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 





L'instant présent




Georges Hope







On ne peut toucher à une fleur
sans déranger une étoile.
 
 
 
 
Francis Thomson
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

lundi 15 février 2016






Le ciel gris






"Femme à la mandoline"                                   Tamara de Lempicka




Les grues sont passées dans le ciel gris
et leurs longues lignes filaient en grinçant,
cris de neige et d'ombre,
c'est la saison où l'on va pour orner les tombes.





Francis Jammes
"les grues"
(extrait)







vendredi 12 février 2016







La même nuit toujours



Giorgio de Chirico






Là, au-dedans, les câbles du désir
miment des éternités d'une seconde
que l'électricité mentale
allume, éteint, allume,
résurrections flamboyantes
de l'alphabet calciné;
il n'y a pas d'école là-bas, dedans,
C'est toujours le même jour, la même nuit toujours,
le temps n'est pas encore inventé,
le soleil n'a pas vieilli,
cette neige est identique à l'herbe,
toujours et jamais sont la même chose,
il n'a jamais plu et il ne cesse de pleuvoir,
tout est en train d'être et n'a jamais été,
peuple sans nom des sensations,
noms qui cherchent un corps,
transparences impies,
cages de clarté où s'annulent 
l'identité entre ses ressemblances,
la différence dans les contradictions.





Octavio Paz
"Mise au net"
(extrait)








jeudi 11 février 2016





Une fleur




Cornélia Hernes





Une fleur un saule 
un pécheur sur un rocher
un rayon sur la rivière
un oiseau sur l'aile
à mi chemin de la montagne
un moine seul sous les bambous
dans la forêt
une feuille jaune 
qui flotte et tombe




Ho Pei Yu







mardi 9 février 2016





Quand le jour se dénude






Robert Henri




Quand le jour se dénude
quand la blessure à vif
rouvre d'anciennes solitudes
le monde apparaît 
telle une large avenue
où les arbres montent
comme une échelle ivre
qui n'atteindrait jamais son but.




Hélène Cadou








lundi 8 février 2016








Sur une tombe









Daniel Gamelas 





J'habiterai cette lumière d'après la pluie
qui souffle sur la braise des coquelicots dans les blés
qui fait chanter les arbres et courir de joie
 les poules d'eau sur la rivière.
Le vent conduira l'ombre de ma main.
J'écrirai sur le sable un poème sans fin 
pour célébrer la vie.





Serge Wellens