mercredi 26 avril 2017









Au bas-fond






Egon Schiele     (autoportrait)






Vierge et fière sur la lande animée
Elle tamise l'argent des branches
Elle sèche les roseaux qui chantent
Sous les voûtes des ponts tournants
Elle coupe court aux bruits qui mentent
Elle tresse les nattes du vent
Elle tisse la nuit qui l'enroule
Elle émiette le pain noir
Elle étanche le sang qui coule
Sur la piste étoilée des larmes défendues

Et maintenant ombre détruite
Jetée dans les rafales du courant
Pécheur mort au ressac de la fuite
Allons plus loin plus personne n'écoute
Allons au fond des gouffres du remord
Les pieds rivés au sol 
La main tendue à l'ancre
Et l'encre des esprits
Résine sans couleur
Sur la pente du front que ride ton sourire
Au fond des yeux sans ciel
Préface de la mort






Pierre Reverdy
"Le chant des morts"
(extrait)
 

mardi 11 avril 2017








Le Roman inachevé






Egon   Schiele







Quoi, je me suis trompé cent mille fois de route
Vous chantez les vertus négatives du doute
Vous vantez les chemins que la prudence suit
Et bien donc j'ai perdu ma vie et mes chaussures
Je suis dans le fossé je compte mes blessures
Je n'arriverai pas au bout de la nuit

Qu'importe si la nuit à la fin se déchire
Et si l'aube en surgit qui la verra blanchir
Au plus noir du malheur j'entends le coq chanter
Je porte la victoire au cœur de mon désastre
Auriez-vous crevé les yeux de tous les astres
Je porte le soleil dans mon obscurité





Aragon
"La nuit de Moscou"
(extrait)